Descriptif de l’anatomie de ses ouvrages de construction
Bâtiment construit probablement entre 1610 et 1660 ; ou plus tardif (plan compact des années 1680 et au-delà) avec un certain déphasage dans le temps en ce qui concerne les techniques de construction, apparemment plus anciennes).
Il figure dans l’atlas Vasserot, quartier Popincourt, îlot n° 14, anciennement rue « Basfroid », n° 8. Cadastre de la ville 1/ 2000°, couleur, feuille 93 (ex 37).
Corps de logis « double » en épaisseur, entre rue et cour (deux pièces traversantes), avec une aile en retour « simple) «en épaisseur et placée du côté gauche par rapport à la façade sur rue.
Emprise au sol : 9 m par 10 m, selon cadastre 1/2000e, parcelle légèrement trapézoïdale, ce qui donne 28 pieds en façade sur rue (pris dans les entraxes des murs mitoyens : 9, 09 m) par 30 à 31 pieds de profondeur pris hors ouvre (9, 74 m à 10, 07 m). En tenant compte de l’épaisseur courante des murs à cette époque (18 pouces pour les murs mitoyens en moellon, 16 à 18 pouce pour un refend en moellon, 8 à 9 pouces pour un pan de bois de façade enduit deux faces, 5 à 7 pouces pour un pan de bois apparent en refend), on obtient :
travée sur rue, 16 pieds dans ouvre (5, 20 m),
travée sur cour 12 pieds dans ouvre (3, 92 m),
et une portée d’environ 4, 50 m pour les planchers (14 pieds).
Ce sont des valeurs standard typiques, parisiennes.
Elles confirment l’intérêt de ce bâtiment ordinaire exemplaire quant à ses dimensions courantes, à la simplicité de son plan, aux standards de ses ouvrages de construction, ainsi qu’à sa fragilité statique (transfert du poids des planchers d’étages au-dessus des deux petits pans de bois délimitant le passage d’entrée).
Quatre travées de baies ordonnancées sur rue au-dessus d’un rez-de-chaussée comportant deux boutiques de chaque côté d’une petite porte d’entrée donnant accès à un passage médian. Deux étages carrés d’habitation, un étage de comble et un grenier, placés au-dessus des boutiques, chacune d’entre elles disposant d’une descente de cave permettant aussi un accès direct à partir de la rue ; descente commune séparée, distincte et tangente à la cage d’escalier.
Façade en moellons enduits avec poitrails au-dessus des boutiques, linteaux filants dans les étages et formant chaînages en bois, deux lucarnes en pénétrations dans un comble à deux versants, parallèles à la rue ; ces lucarnes sont disposés symétriquement de chaque côté au-dessus de trumeaux médians, eux- mêmes placés dans l’axe des boutiques.
Murs mitoyens en moellons, avec « jambes étrières » en pierre de taille sous les appuis des poitrails ; chaînages visibles en extrémité ; épaisseurs des murs : 18 pouces courant (50 cm), 2 pieds en sous-sol (65 cm), avec retraites symétriques de chaque côté au niveau du plan horizontal, tangent à l’extrados des berceaux.
Refend longitudinal en moellons (16 à 18 pouces d’épaisseur, 40 à 50 cm). Refend transversal en pan de bois dans les étages, se prolongeant jusqu’en toiture, avec transfert statique en plancher haut de rez-de-chaussée, au milieu du passage d’entrée ; ce refend est en pan de bois initialement apparent, avec sablière haute faisant saillie de part et d’autre de chaque côté sous les portées des planchers ; deux « guettes » et poteaux de remplissage (6 pouces par 6, 16 par 16 cm ou encore 5 par 7 pouces ; 14 par 19 cm) ; portes (bouchées) au voisinage de la façade sur rue ; le poteaux de tête montant de fond est visible du côté de l’escalier et repose sur un petit poitrail ( ?) dont on voit la retombée en plancher haut de rez-de-chaussée ; sablière basse de répartition en plancher bas du premier étage. Nouveau transfert au-dessus des berceaux ces caves, opéré probablement dans les reins des berceaux (à vérifier).
Caves : deux berceaux perpendiculaires à l’alignement sur rue, contre-murs, arcs chaînants en pierre de taille à mi-longueur, le reste en moellons « piqués » ; porte faisant communiquer les berceaux avec arc plein cintre, pénétration en pierre de taille dans les berceaux ; deux descentes droites sur rue, avec demi- berceaux rampants couvrant la volée de marche (cylindroïdes), arcs rampants sous les emmarchements ; soupiraux sur rue.
Planchers apparents à l’origine, « tant pleins que vides », portant entre mitoyens et refend médian, parallèlement à la façade rue de ce côté et perpendiculairement à celle sur cour, de l’autre ; enchevêtrures de cheminée adossées aux mitoyens et au milieu des quatre grandes pièces originelles, avec enchevêtrures latérales pour les conduits initialement adossés et « pigeonnés », probablement verticaux sans dévoiement à l’origine ; 3 ou 4 solives par chevêtre, pas d’étriers, sauf renforts ponctuels à certains endroits ; solives apparentes, peintes en « grisaille », de 7 par 5 pouces de section transversale (19 cm par 14 cm), « tant pleins que vides », probablement en chêne « de brin » ; solives d’enchevêtrures et chevêtres de 1 pouce de haut en plus (2, 7 cm) ; aire de répartition des charges d’exploitation : peut être « ais » en bois à l’origine, non vus) ou bardeaux en bois, plâtrés par-dessous (vus par endroits), aire en plâtre, « poussier », carreaux de terre cuite ; soit 6 pouces + 1 pouce +1 pouce+ 2 pouce = 10 pouces d’épaisseur totale (27 cm) auxquels il faut rajouter les recharges éventuelles dues aux flèches et dénivelées.
Escalier sur cour : 1 noyau, rampe sur rampe (limon sur limon), 4 balustres tournés, « demi-marches pleines » et carreaux de terre cuite ; parties de fenêtres à guillotines restantes avec petits bois ; descente de cave commune en dehors de l’emprise de la cage, avec départ à rez-de-chaussée, du côté de l’aile en retour, et disposée derrière un puits avec margelle accessible depuis le passage d’accès desservant le bâtiment et la cour.
Façade en pan de bois enduit du côté cour dans le corps principal (épaisseur 8 pouces, 22 cm environ) avec panneaux de hauteur d’étage, sablières haute et basse, 2 guettes de chaque côté des poteaux de baies.
Comble : deux pannes intermédiaires reposant entre mitoyens et refend transversal en pan de bois ; plancher du grenier du comble, apparent, « tant pleins que vides », accessible par une trappe dans les costières d’un petit lanterneau, du côté de la noue de l’aile en retour ; lucarnes en pénétration avec chevrons de jouées (endommagés par les fuites dans la couverture), jouées en pan de bois.
Bâtiment ordinaire, typique des quartiers denses de Paris (ici, voisinage du populeux faubourg Saint- Antoine), bien préservé « dans son jus originel » et globalement dans un bon état de conservation ; Points faibles : linteaux filants formant chaînages en bois, fragiles aux infiltrations à travers les enduits de façades non entretenus et pouvant menacer la stabilité de celle-ci si ses enduits continuent à ne pas être protégés ou refaits (rotation horizontale potentielle dans son propre plan). C’est la démolition des maisons voisines qui a accéléré la dégradation des murs périphériques.
Quelques lézardes dans le moellonage du mitoyen de droite : opérer un « remaillage », poser éventuellement des « coutures » horizontales, exécuter un regarnissage des joints avec mortier de chaux et sable, et une réfection des enduits, tant extérieurs qu’intérieurs. Important transfert statique opéré en plancher-haut du rez-de-chaussée, au milieu du passage d’entrée : le refend transversal des étages, porteur de planchers, ne se superpose pas aux pans de bois situés de part et d’autre du passage d’entrée ; confortation à opérer par-dessus, en intervenant dans le plancher bas du premier (renforts en charpente métallique, procédé « à sec », pas de béton armé) avec éventuellement quelques pièces en sous-travure dans les boutiques pour soulager les pans de bois du passage d’entrée, et poutres de répartition dans les reins des berceaux.
Dans la perspective de réutilisation en logement, ce bâtiment ne présente pas de problèmes de découpage et de distribution, étant donné un plan originel, très compact, une cage d’escalier disposée au voisinage du centre de gravité de l’ensemble et des portes bien placées faisant communiquer chaque intervalle structural, ce qui permet de séparer ou de grouper à volonté chacun d’entre eux. Il faut éviter absolument d’appliquer les « normes pour handicapés » qui se traduiraient par une élargissement des portes, donc un saccage des pans de bois, et par conséquent des planchers qu’ils supportent, avec au final une opération de quasi-façadisme, onéreuse et particulièrement déplorable dans un bâtiment originel qui est « miraculeusement » parvenu jusqu’au début du XXIe siècle. À louer à des personnes qui peuvent se passer d’ascenseur et qui n’ont pas de problèmes de mobilité.
L’enveloppe en maçonnerie possède une excellente inertie thermique avec déphasage diurne et saisonnier lissant les écarts de température ; éviter les contre-cloisons périphériques avec pare-vapeur et utiliser des matériaux dits « respirants », perméables aux échanges hygrothermiques. Les planchers sont à dégarnir avec précaution, par le dessus, pour vérification exhaustive, avec renfort des assemblages entre chevêtres et solives d’enchevêtrures (pose de boulons traversants et de plaques d’ancrage par-dessus) ; chape légère (flottante si l’épaisseur de charge existante et les niveaux en raccord avec le palier de la cage d’escalier le permettent), avec revêtements de sols récupérant le maximum de carreaux de terre cuite existants et « décrottés » ; pas de canalisations de plomberie incorporées dans les chapes ou planchers ; conserver la ventilation traversante initiale (menuiseries avec ouvrants) à travers les impostes des portes palières et traiter les châssis de fenêtres de la cage d’escalier dans l’esprit originel.
J.F