Compte-rendu (07/09/2011)

Compte rendu de la visite du 7 septembre 2011 au 22 rue Basfroi, Paris 11e

Une maison du XVIIe siècle à reconsidérer

Le 22, rue Basfroi, Paris, 11e arrt

À l’instigation du Comité de Sauvegarde du 22, rue Basfroi, et en qualité de membre de la Commission du Vieux-Paris, je me suis rendu à la visite qu’organisaient sur place « Paris Habitat » et la Mairie du 11e arrondissement mercredi 7 septembre dernier. Ayant tranché en faveur de la conservation de ce bâtiment originellement promis à la démolition, le Maire de Paris a une implication personnelle dans ce dossier. Je communique ici pour information le rapport que j’ai rédigé à l’issue de la visite. On trouvera plus loin une expertise de Jacques Fredet, spécialiste de l’architecture domestique parisienne.

Compte-rendu

de la visite du 22 rue Basfroi organisée par Paris Habitat et la Mairie du 11e arrondissement le mercredi 7 septembre, en présence François Vauglin, Conseiller de Paris, Conseiller du 11e arrondissement, chargé de l’urbanisme et représentant le Maire du 11e arrondissement.

Étaient présents :

  • François Vauglin, Conseiller de Paris, Conseiller du 11 arrt chargé de l’urbanisme, représentant le Maire du 11e arrt;
  • Jean-Yves Buresté, représentant de « Paris Habitat »
  • Alix Héaume, architecte, agence « rh + architecture », et deux de ses collaborateurs
  • Alain Terseur, Architecte des Bâtiments de France du 11e arrt

Les membres ou invités du Conseil de quartier :

  • Frédéric Bobay, animateur du Conseil de quartier Bastille-Popincourt (11e arrt)
  • Olivier Dortu, Comité de Sauvegarde du 22, rue Basfroi
  • Marie-Claude Lhommet, représentant le Président de « Paris Historique », invitée
  • Jean-François Cabestan, Université Paris 1, membre de la CVP, invité

La visite qui a démarré à 17h30 s’est prolongée pendant deux heures. Elle a permis aux participants de prendre la pleine mesure de ce qu’est l’édifice situé 22, rue Basfroi. Tous les étages ont été parcourus, des caves aux combles. Seule la pointe du comble a dû être négligée, faute d’échelle pour y accéder.

Il est apparu qu’en dépit de son abandon depuis plusieurs années mais grâce aux étaiements réalisés par les Charpentiers de Paris, l’édifice est momentanément stabilisé. Un linteau de bois filant qui forme chaînage au niveau haut du premier étage carré présente un important désordre en façade, car il est pourri. Les murs mitoyens, dénudés lors de la destruction des immeubles qui encadraient l’édifice, sont boursouflés et crevassés. La visite a néanmoins pu se dérouler sans encombre.

La haute valeur architecturale et patrimoniale de l’édifice est apparue à tous les connaisseurs. Le 22, rue Basfroi offre à l’heure actuelle un témoignage désormais rarissime d’une maison faubourienne de catégorie moyenne des débuts du XVIIe siècle, destinée à un usage mixte (commerce et habitat). Peu transformée au cours des âges, elle se présente aujourd’hui dans un état d’authenticité remarquable.

Outre le puits et l’escalier sur lesquels se concentre parfois l’attention des profanes, et qui revêtent effectivement une réelle valeur archéologique, on reconnaît que la distribution de tout l’édifice présente elle aussi un très grand intérêt. Les voûtes des caves (belles pénétrations), les planchers et les partitions verticales sont tous et toutes en place. L’état de conservation de ces ouvrages est globalement satisfaisant.

Il a été constaté que le lattis et les plafonnements visibles à chacun des étages carrés ne remontaient qu’à une campagne de travaux postérieure à la construction de l’immeuble. Ils ont sans doute été ajoutés au XVIIIe siècle. Là où les plafonds avaient été crevés, l’état original des débuts du XVIIe siècle est encore visible : les solives très correctement dressées étaient apparentes. Entrevous et solives sont encore recouverts de leur badigeon gris clair original, miraculeusement conservé sous les lattis rapportés.

Quelques portes palières anciennes possèdent leurs gonds et leurs pentures d’origine. Du point de vue du second oeuvre, et à l’exception d’un chassis de réemploi dormant dans la partie inférieure de la cage d’escalier, on constate toutefois que rien ne mérite d’être conservé.

Impressionné par l’épaisseur patrimoniale du bâtiment, Alain Terseur (ABF) s’est interrogé sur les possibilités de maintenir l’esprit de cette construction et certains des ouvrages les plus authentiques à l’adresse d’un public qu’on pourrait accueillir notamment lors des Journées du Patrimoine.

Force est de reconnaître que le ton s’est immédiatement durci avec la maîtrise d’ouvrage, dont le programme de logement social engendre l’application de normes incompatibles avec la mise en valeur de l’existant. S’il paraîtrait par exemple souhaitable de rendre apparents les solives et leurs entrevous plâtrés, les contraintes acoustiques et thermiques s’opposent résolument à ce type de voeu.

L’élargissement des portes palières qui occupent à l’heure actuelle toute la largeur des paliers et que les normes d’habitabilité exigent de porter à 90 cm entraînerait par exemple un démantèlement d’éléments porteurs absolument contraire à la préservation de l’édifice. Éclairée sur ces problèmes, la maîtrise d’oeuvre – Alix Héaume, rh + architecture – s’est montrée demandeuse d’expertises et de conseils.

On ne peut toutefois que s’inquiéter de la disproportion qui existe entre la valeur patrimoniale de l’édifice et les normes de l’habitat social. Si ces dernières doivent s’appliquer sans les nuances qu’exige le bâtiment, la conservation de ce dernier deviendrait complètement inutile : une perte sèche – patrimoniale et financière – ennemie de l’intérêt public.

Il est à souhaiter que le partenariat qui s’est esquissé entre les intervenants fonctionne, et qu’on s’emploie toutes compétences confondues à tirer le meilleur parti d’une situation où pour l’instant, on pourrait craindre que chacun campe sur ses positions.

JFC