Le marché couvert de Fontainebleau
Situé place de la République, l’équipement bellifontain consiste en une coque nervée de béton reposant sur 22 piles creuses, ourlée d’un auvent continu. La portée de la voûte surbaissée et ajourée de pavés de verre Saint-Gobain représente une prouesse technique. Le projet dans son ensemble a été dessiné par l’architecte Henri Bard en 1935 mais la structure et l’aspect de la halle achevée en 1942 portent la marque du génie de Nicolas Esquillan, le futur concepteur de la voûte du CNIT.
Cet équipement souffre de longue date d’un manque d’entretien issu de diverses campagnes de dénigrement orchestrés à des fins y compris électorales, et de l’affichage d’un mépris pour l’architecture du XXe siècle avant tout destiné à faire recette. Puisqu’un projet de renouveau urbain est actuellement promu par la Municipalité, on ne comprend pas pourquoi cette halle audacieuse, curieusement sous-estimée mais utile à ses usagers ne saurait constituer l’éventuel point d’ancrage et le pôle d’attraction d’un vrai « Cœur de Ville » rajeuni.
Grâce à l’instance de classement prononcée le 5 mars dernier, l’équipement a échappé de justesse à la pioche des démolisseurs et va bénéficier pendant un an du régime de protection maximal accordé par l’État. Destinée à attirer l’attention sur l’intérêt patrimonial d’un équipement hâtivement jugé obsolète, cette mesure instaure un temps de réflexion. Prochainement accueillies à l’hôtel Aigle Noir de Fontainebleau, une exposition et une table ronde inaugurale – samedi 20 avril à 15h30 – contribueront à alimenter le débat qui vient d’être réouvert.
Fontainebleau, une halle à reconquérir?
Par l’instance de classement prononcée in extremis par Aurélie Filippetti le 5 mars dernier, le marché couvert de Fontainebleau dont il a été récemment découvert que l’ingénieur structure n’était autre que Nicolas Esquillan – le concepteur des voûtes du CNIT –, a échappé de justesse à la pioche des démolisseurs. Première d’une série de manifestations conçues pour faire reconsidérer le sort de ce bâtiment incompris, une exposition « Fontainebleau, une halle à reconquérir » préparée dans des délais héroïques a été présentée du 20 au 27 avril dernier sur place, à l’hôtel Aigle Noir. Sous la responsabilité scientifique de Bernard Marrey et de Jean-François Cabestan, le « collectif Spline 1 a assuré le commissariat, la scénographie et le montage de la manifestation. Deux vidéos évoquant l’une les grands moments du parcours d’Esquillan, l’autre l’histoire du marché couvert de Fontainebleau ont articulé des données documentaires et iconographiques pour la plupart inédites, fruit des recherches menées aux archives départementales de Seine-et-Marne par Marjorie Bourgoin et Charlotte Duvette, étudiantes à Paris 1. À l’ENSA de Normandie et à Paris-la-Villette, des enseignants en construction – Bruno Carré et Asle Gonano – et en projet – Louis Guedj – ont convaincu leurs étudiants de s’investir dans cette cause. Transportées et déballées le matin même de l’inauguration, les trente maquettes de la halle de Fontainebleau et de structures béton comparables n’ont pas peu contribué à la cohérence et au succès de l’entreprise. On trouvera en annexe le cahier de bord de la fabrication de l’une d’entre elles, réalisée en béton armé.
Une table ronde inaugurale donnant successivement la parole à Patrick Guiraud, (ingénieur Cimbéton), Jean-Paul Mauduit (architecte du patrimoine), Simon Texier (Université Picardie), Alexandre Gady (Paris-Sorbonne), Bernard Marrey (historien) et Jean-François Cabestan (Paris 1) a permis de poser les termes d’un débat nourri où les bellifontains venus nombreux ont pu exprimer leurs divergences quant au devenir de la halle, débat démocratique dont on se demande pourquoi il n’a pas eu lieu plus tôt. On a eu l’agréable surprise de voir se manifester la fille de Nicolas Esquillan, Antoinette Bourély-Esquillan, qui a prêché en faveur de la conservation de l’œuvre de son père, même si la halle était « une œuvre de jeunesse » et qu’elle ne présentait pas le degré d’aboutissement de ses œuvres ultérieures, telles que le Marignane, ou le CNIT. L’excellente tenue de l’expo, de la table ronde et des échanges a sans doute inspiré à certains l’idée que le bâtiment valait d’être considéré sous plusieurs angles, dont celui de sa valeur d’usage, évoquée sous diverses formes. « Je n’aime pas la halle » a lancé un bellifontain, « mais je suis contre sa destruction ! », a-t-il martelé ». La journée d’étude « Canopées urbaines » programmée le 31 mai prochain à l’Institut National d’Histoire de l’Art, 2, rue Vivienne (Salle Jullian) pemettra de revenir sur la question. À l’automne, une exposition itinérante plus ambitieuse complétera ces premières initiatives.
1: Composé d’Anne-Claire Batteix, architecte DE, d’Adélaïde Breuvart, étudiante Paris-Belleville, de Pauline Estingoy, architecte DE, scénographe et de Léopoldine Van Elslande, historienne de l’art, Paris IV.